Bonjour bonjour chers amis juristes, je poste un nouveau sujet dans les discussions générales, bien que le dernier ne semble pas avoir beaucoup de succès.
Même s'il est à mon sens particulièrement intéressant pour les premières années, j'ai préféré le poster ici car il possède un caractère assez général, et que la connaissance du droit des contrats, par exemple, pourrait venir éclairer ce topic.
Je préviens, certaines des images que je vais poster en lien sont trash. Vous les avez sûrement déjà vues, mais âmes sensibles s'abstenir.
1) Je m'interroge à propos de la dignité humaine et de la liberté d'expression, ou plus particulièrement à la liberté d'expression des médias.
Vous connaissez certainement l'arrêt du 20 décembre 2000 qui statue sur l'affaire Erignac : «La publication d'une photographie représentant le corps et le visage d'une personne assassinée gisant sur la chaussée constitue une atteinte à la dignité de la personne humaine».
Arrêt du 20 février 2001 sur l'attentat du RER saint Michel, 2 arrêts : le premier sur la victime d'un attentat «La liberté de communication des informations autorise la publication d'images de personnes impliquées dans un événement, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine. En l'espèce, la publication de la photographie d'une victime d'un attentat, en l'absence de toute recherche du sensationnel et de toute indécence ne porte pas atteinte par elle-même à la dignité de la personne humaine».
le second sur une femme qui n'en est pas morte mais a été photographiée en état de choc (et bien sûr, cette photographie a été publiée) : Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle relevait que la photographie était dépourvue de recherche du sensationnel et de toute indécence et qu'ainsi, elle ne portait pas atteinte à la dignité de la personne représentée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
ensuite pour l'arrêt du 4 novembre 2004 je vous laisse voir ici : http://lexinter.net/JPTXT/image_et_dignite.htm
C'est bien, vouloir mettre en avant la dignité de la personne humaine, que le droit à l'information est légitimé "sous la seule réserve de la dignité de la personne humaine", mais je trouve qu'il y a une ambiguïté, qu'établir cette condition pour permettre la publication d'une image soit historique soit d'un fait d'actualité n'est pas des plus opportuns.
Je m'explique. Prenons un cas flagrant, et d'une importance capitale pour expliquer en quoi ce critère de dignité humaine peut être remise en cause.
Deuxième guerre mondiale, camps de concentration (ou d'extermination). Un général américain avait dit à des photographes qui accompagnaient l'armée "prenez des photos, le plus de photos possibles, pour que dans 20, 30 ou 40 ans, on ne puisse pas dire que cela n'a jamais existé". Je n'ai pas le nom de ce général américain, et ces propos ne sont pas mot pour mot ceux qu'il a tenus, cependant l'idée essentielle est compréhensible. Ce qu'il a dit est d'autant plus juste que l'après-guerre a vu l'essor des théories négationnistes et autres joyeusetés. MAIS, nous avions des images. Il suffit de taper "camp de concentration" sur Google images et nous avons des preuves, des preuves véridiques, autres que de jolis mots. Les discours ou les paroles, elles, peuvent être mensongères. Les images, elles, même si plusieurs interprétations peuvent être faites, ne trompent pas. (Bon, après, on ne va pas entrer dans le débat du trompe l'œil ni aborder le thème du pouvoir des images ou de l'automate de l'homme au sable, hein, sinon on n'en finit plus). Ce que je veux dire c'est que l'image est une preuve.
Paris Match disait d'ailleurs "le poids des mots le choc des images".
Toutefois il faut se demander si la diffusion des images est toujours utile, si elle possède toujours ce caractère informatif qui est flagrant dans le cas précédemment expliqué. Là vient l'affaire Erignac. Est-ce que la publication portait un caractère réellement informatif ? Ou est-ce qu'elle ne visait pas à exciter la curiosité -peut-être malsaine- du lecteur ? On a parlé précédemment de preuve. Mais, on peut dire que si tous les médias parlent de la mort du préfet Erignac... Il n'y aura pas de problème on sait qu'il sera mort. (On n'imagine pas une manipulation politico-médiatique d'une telle ampleur, c'est tout simplement impossible).
J'ai eu aussi un cas pratique sur un accident de téléphérique, un magasine avait publié la photo des décombres où il y avait des "bouts humains" ensanglantés et tout ce qui va avec.
Je me demande si dans ce cas-là, comme pour le cas du 4 novembre 2004, on n'aurait pas pu flouter les "bouts" ce cadavre pour respecter cette dignité de la personne humaine tout en permettant la liberté d'expression.
Mais prenons des cas plus ambigus, par exemple pour l'attentat du RER saint Michel ou celui du gang des barbares (pour ceux qui ne connaissent pas : http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_gang_des_barbares) où là, il ne s'agit plus d'un accident mais de crimes.
Montrer le cadavre, est-ce que dans ce cas ce serait utile dans ce cas-là ? Peut-être montrer les images du train où il y a eu les attentats… Mais est-ce que dans ces conditions, il serait opportun de flouter les corps ? Ce qui différencie ces crimes de celui dans les camps de concentration, c'est le caractère actuel.
Je pense aussi que les images ou les vidéos prises surtout dans des pays étrangers et où il y a le recours à l’armée et des morts civils, là, les images sont importantes.
Pour l’affaire du gang des barbares, c’est sûr que le fait de publier cette photo : http://www.google.fr/imgres?q=gang+des+barbares+choc&hl=fr&biw=1093&bih=515&gbv=2&tbm=isch&tbnid=tLH6VmhG7-vISM:&imgrefurl=http://www.fiftiz.fr/actualite/nouvelobs/ilan-halimi-le-magazine-choc-retire-des-kiosques,25243.html&docid=l_xwtX1uzvJV1M&imgurl=http://www.fiftiz.fr/magazine/images/2/25243/1242818282.jpg&w=330&h=407&ei=PpLnTu3eHYzT8QPUtLmPCg&zoom=1&iact=hc&vpx=100&vpy=130&dur=1641&hovh=249&hovw=202&tx=121&ty=114&sig=101611932520839099581&page=1&tbnh=154&tbnw=125&start=0&ndsp=10&ved=1t:429,r:0,s:0
En première page d’un magazine, et avec toutes les conditions de la publication de l’image, c’est une recherche du sensationnel, une atteinte à la pudeur et à la dignité
Si la photographie avait été publiée mais pas en première page et en plus petit, cela n’aurait pas été la même chose.
Après, il reste toujours le caractère informatif de l’image.
Jusque-là j’ai parlé en grande partie de morts, mais je m’interroge aussi par rapport aux vivants. Si une femme se fait violer, je trouverais irrespectueux et choquant que des images du viol soient publiées.
D’ailleurs ” le droit à l’image doit céder devant la liberté d’expression chaque fois que l’exercice du premier aurait pour effet de faire arbitrairement obstacle à la liberté de recevoir ou de communiquer des idées qui s’expriment spécialement dans le travail d’un artiste, sauf dans le cas d’une publication contraire à la dignité de la personne ou revêtant pour elle des conséquences d’une particulière gravité. “
Il y aurait des cas où l'image pourrait toujours constituer une preuve aussi flagrante (par exemple un dictateur recherché est "qui se cache" meurt, la preuve de sa mort pourrait être une photo).
2) ma deuxième question porte sur le respect de la vie privée, plus particulièrement le respect de la vie privée chez les personnes célèbres.
Un arrêt du 23 octobre 1990 affirme que « toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes et à venir, a droit au respect de la vie privée ».
Pourtant… A mon sens, la délimitation juridique de la vie privée pose déjà un problème. On oppose souvent vie privée et vie publique (ou vie professionnelle) ce qui permet, c’est certain, de dire que toutes les informations relevant de notre vie professionnelle ne bénéficie pas du régime de protection relatif à celui de la vie privée et familiale, et qu’il existe un droit à la critique (littéraire et artistique, pour les publications satyriques ou humoristiques et enfin pour les débats politiques). Mais je prends le cas des politiques. La délimitation entre vie professionnelle et vie dite « personnelle » est floue, car vie professionnelle etvie personnelle possèdent à mon sens des liens, ce ne sont pas (pour faire dans la métaphore) deux vases absolument distincts dans lesquels on peut mettre telle ou telle affaire. (pour exemple les politiques doivent être « irréprochables » et il suffit de voir les discours dans la presse de certaines ex-femmes de politiques… ça fait mal. Des histoires de cœur des people…).
Premièrement, je me dis qu’il existe plusieurs « types » de célébrités.
Là, je me dis qu’il y a plusieurs cas à distinguer parmi les célébrités :
* Les personnes qui ont recherché ou cherchent à être célèbres (les politiques, les comédiens…)
* Les personnes qui sont « stars malgré elles » (la famille royale d’Angleterre, celle de Monaco…)
* Les personnes qui vivent en compagnie ou sont des proches de ces personnes célèbres. En gros, les personnes qui ont leur quart d’heure de célébrité
Selon la CEDHle 24 juin 2004 : « L'élément déterminant lors de la mise en balance de la protection de la vie privée et de la liberté d'expression, doit résider dans la contribution que les photos et articles publiés apportent au débat d'intérêt général (…) peut exister un droit du public d'être informé y compris, dans des circonstances particulières, sur la vie privée de personnes publiques. »
Certes, mais dans le cas de relations amoureuses, il est légitime pour la seconde catégorie, mais pour la première c’est plus flou (bien que pour le président de la république, cela relève forcément de l’intérêt du public car la première dame a une « fonction). Certaines personnes publiques sont très réservés par rapport à leur vie privée, je pense par exemple à Yann Barthès
mais cherchez pas lui il est déjà marié avec moi >_< dans mes rêves en tout cas Encore que là, c’est un exemple particulier. Si je prends le cas de people (J Lo, madonna…), est-ce qu’on peut réellement dire que ça nécessite l’intérêt général ?
Dans un sens non, car leur partenaire n’a pas de « lien » avec la fonction qu’elles exercent. Pourtant ces stars souvent s’exhibent, il suffit de voir les bébés de star en couverture de magazines pour une somme d’argent qui s’élève en milliers (million ?) de dollars. Et tous les potins sur les couples aussi.
Je me demandais si, du moment qu’une star parlait publiquement de sa relation avec telle ou telle personne si cela permettait d’établir cette… légitimité, qui serait reconnue par la loi ? que si une star divulgue des informations (qui ne nuisent à personne ou ne posent de problèmes par rapport à la vie privée d’aucune autre personne), il y a légitimité du public à connaître la suite de l’affaire, mais dans la juste continuité de cette affaire, je m’entends, sans digression, diffamation ou injure. Je crois que la jurisprudence ne dit rien à ce propos, car je n’ai que l’exemple de stéphanie de monaco avec les arrêts du 3 avril 2002 et du 23 avril 2003 ainsi que l’arrêt du 25 mai 2000 par la cour d’appel de Versailles qui dit que : Les limites de la vie privée ne s’apprécient pas de la même façon pour un personnage public.
L’article présente la liaison extra-conjugale comme la cause du divorce mais ne comporte aucune « digression » (divagation) sur celui-ci et Les limites de la vie privée ne s’apprécient pas de la même façon pour un personnage public
Cet arrêt a été conforté par l’arrêt du 23 avril 2003 sur le respect de la vie privée.
Pourtant, l’arrêt du 2 juin 76 affirme que la vie sentimentale présente un caractère privé. On pourrait dire que ça date, et que l’arrêt de 2000 vient contrebalancer cela, surtout avec l’arrêt du 7 mai 2008. Pour l’arrêt du 5 novembre 96, je ne sais pas si la princesse avait mis en scène sa vie privée.
Petite fin :
Je trouve que tous ces éléments sont assez divers, et j’aimerais trouver des conditions objectives (ou en tout cas le moins subjectives possibles) qui permettent d’établir quand est-ce que le droit à l’image doit céder à la liberté d’expression. J’aimerais également trouver des critères qui pourraient permettre d’établir quand une image possède un caractère informatif et quand elle n’en possède pas (du moins quand est-ce que ce caractère informatif est important et quand il ne l’est pas.)
Pour le 2), ça semble plus facile, j’aimerais avoir votre avis !
C’est assez diffus dans ma tête, je révise plein de choses en ce moment, merci à ceux qui prendront la peine et le temps de me répondre !